Valeur probatoire de l'expertise amiable : la cour de cassation persiste et insiste


Cass. 3ème civ. 14/05/2020, n° 19-16278 et 19-16279 et Cass. 3ème civ. 16/01/2025, n° 23-15877

Dans un très grand nombre de cas, les dossiers de droit immobilier posent des problèmes de preuves techniques.

Ainsi, l'intervention d'un expert en bâtiment s'impose pour analyser une pathologie et prescrire des mesures réparatoires.

Au moins depuis un arrêt de chambre mixte du 28/09/2012, n°11-18.710, la haute juridiction considérait qu’un rapport d’expert amiable non contradictoire constituait une preuve que le juge ne pouvait refuser d’examiner, mais qui ne suffisait pas à fonder la condamnation d’une partie, en l’absence d’autres éléments.

Certains en avaient déduit qu'il en allait différemment, si l'expertise amiable était contradictoire.

Mais la cour de cassation a retenu le contraire dans une décision du 14/05/2020, réitérée depuis lors :

« Vu l’article 16 du code de procédure civile :

(…)


Pour retenir la responsabilité de l’entreprise Y... B... et la condamner à réparation, le jugement rectifié se fonde exclusivement sur le rapport réalisé à la demande de M. X....
En statuant ainsi, le tribunal, qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée, a violé le texte susvisé.
»

Cette jurisprudence est toujours d'actualité.

Mais la cour de cassation y a apporté une précision bienvenue : le juge peut se fonder sur deux rapports d'expertise amiables concordants, même établis non contradictoirement.

Alors que les délais et coûts des expertises judiciaires augmentent ces dernières années, on peut supposer que de nombreuses parties opteront pour cette voie.

Néanmoins, un problème demeure : rien n'empêche deux experts privés différents, mandatés et payés par une partie, de s'accorder sur des conclusions qui ne seraient pas nécessairement sincères et/ou pertinentes, afin de favoriser leur client.

Ainsi donc, la production de deux expertises amiables pourra sans doute être remise en cause devant le juge du fond par la partie qui douterait de la probité des techniciens.